Une représentation privée de « Salomé ». –

On connaît M. Jacques Isnardon comme un artiste d’esprit moderne, et les succès de son enseignement l’ont, en ces dernières années, signalé comme l’un de nos meilleurs professeurs de chant. Aussi personne ne fut étonné lorsqu’on apprit que, dans son hôtel, sur une scène minuscule, décorée et agencée comme nos plus grands théâtres, il caressait le projet de représenter devant les Parisiens le drame [lyrique] de Richard Strauss, la célèbre Salomé.

Ce fut, avant-hier, une soirée magnifique qui, en même temps qu’elle fit connaître une œuvre vers laquelle vont tant de curiosités, nous révéla une grande artiste : Madame Isnardon. Quelle belle voix, puissante et claire et bien émise ! Quelle sûreté d’articulation et quelle mobilité de physionomie ! Elle fut la Salomé perverse et ingénue, tendre et féroce, et sut réellement incarner ce personnage si contradictoire et si divers. Madame Isnardon fut, avant-hier soir, au niveau de nos plus grandes cantatrices.

Elle était, du reste, royalement entourée par Mme Gerville-Réache, une Hérodias de grand style ; M. Sizes, très impressionnant dans Hérode ; deux artistes que nous souhaitons réentendre bientôt à Paris, et M. Vigneau, un Iokanaan à la voix superbe.

Ce fut une longue salve d’applaudissements pendant toute cette soirée significative et du plus haut intérêt artistique.